Cette fois ci, il me prend l’envie de vous parler de paradoxes. Ce sujet m’a déjà traversé plusieurs fois l’esprit et nous en avons discuté hier soir lors d’une rencontre entre facilitateurs. Existe-t-il beaucoup de paradoxe dans la facilitation ? Je crois que oui, et en voici quelques-uns :
1. Suivre le cadre versus improviser
Ce qui différencie un facilitateur des autres, c’est que le facilitateur a un programme, un agenda. Il sait ce qu’il faut faire à chaque étape et comment le faire. Il a un cadre. Le problème c’est qu’une fois sur place, avec le groupe, il se montre parfois inapproprié. Le groupe est trop petit (des personnes sont absentes, des urgences, des changements de priorités…), il est trop haut : le groupe n’est prêt psychologiquement ou physiquement à travailler sur le sujet… Le facilitateur doit-il conserver son cadre au détriment du groupe ?
NON, il est au service du groupe. Il COMPOSE avec groupe et il n’impose pas. Il est important de planifier, préparer en amont avec les commanditaires mais il faut aussi savoir danser sur les vagues.
2. Laisser le temps versus accélérer
« Laisser le temps » est un vrai sujet de discussion avec le commanditaire quand on planifie un atelier, une réunion ou un séminaire. Très souvent, j’obtiens comme réponse « nous n’avons que deux heures et on veut traiter X, Y et Z ». Que puis-je faire en 2 heures ? On peut sans nul doute déjà faire quelque chose, mais c’est vraiment dommage de voir qu’une équipe qui vient de se former, de commencer à se connaitre, de commencer à travailler ensemble sur un sujet et huuup, time’s up. L’élan est coupé même si on leur dit que la prochaine réunion est prévue la semaine prochaine.
En même temps, le travail d’un facilitateur est d’accélérer le travail de groupe. Il met en œuvre un processus, avec sa présence et sa préparation, il permet au groupe de NE PAS PERDRE DE TEMPS. Un bon facilitateur n’oublie pas le fait que pour accélérer, il faut d’abord prendre du temps à chauffer le groupe, le ramener dans la salle et le focaliser sur le sujet. Un manager m’a dit à la fin d’un séminaire « tu nous as sauvé des mois de travail et une dizaine de réunions pour arriver à ces résultats » (Il n’était pas très convaincu quand je lui ai demandé 2 jours de séminaire au départ)
3. Collectif versus individuel
J’ai déjà parlé de ce point dans mon billet précédent. Je reviens cette fois avec un cas concret auquel j’ai eu affaire récemment. Le contexte : groupe de 11 personnes, thème commun précis, deux jours pour travailler. Seulement, une des personnes était en train de vivre une situation difficile, et cette situation s’est propagée au sein du groupe. On doit d’abord traiter la situation avant de pouvoir faire avancer le groupe.
Parfois, on doit traiter un problème individuel pour que le collectif puisse avancer.
4. Etre invisible versus présent
Certaines méthodes de facilitation de groupe, notamment « le Forum Ouvert » demande beaucoup de préparation en amont mais pendant l’événement, on ne voit que très peu le facilitateur. Il est quelque part invisible pour le groupe, pour ne pas le gêner. Pourtant il est toujours PRESENT, il scrute le groupe, détecte où ça coince, où l’énergie est basse… et il régule ces situations.
5. Structuré versus libre
Last but not least, je ne sais pas si vous avez remarqué mais les méthodes et techniques de facilitation ont toujours des principes, des étapes à suivre : bref, une structureJ. Et pourtant, le but du jeu est que tout le monde peut participer, créer, imaginer, tester… Contrairement à ce que l’on croit, la facilitation est très structurée. De ce fait, elle crée un contenant pour que toutes formes puissent trouver leurs places et s’exprimer.
Paradoxe ou juste deux facettes de la même chose. Pour une asiatique comme moi, c’est comme si on parle du yin et du yang. L’un à besoin de l’autre pour être entier.
Un petit rappel à ceux qui font le métier de facilitateur : « On doit vendre des carrés pour faire des ronds » 😉