Actuellement, j’accompagne un programme IT d’une quarantaine de personnes autour d’une transformation agile à l’échelle.
Avec le manager de l’équipe et des représentants des collaborateurs, nous avons décidé de structurer le groupe autour de plusieurs équipes pluridisciplinaires et capables de livrer des fonctionnalités de façon autonomes : des feature teams.
Elles ne sont pas dédiées à une fonctionnalité ou un objectif particulier, elles se répartissent les éléments du backlog au fur et à mesure, sans spécialisation fonctionnelle.
Les membres de ces équipes, qui ne se connaissent pas ou peu, vont devoir travailler ensemble à livrer des éléments de valeur de façon efficace.
L’enjeu : créer des identités d’équipe.
Qu’est-ce qu’une équipe ?
Commençons par le commencement, avant de parler de feature team, définissons ce qu’est une team ?
Voici les différentes définitions du Larousse
- Ensemble de personnes travaillant à une même tâche : Équipe de collaborateurs.
- Ensemble des ouvriers se succédant sur un même poste de travail.
- Ensemble des ouvriers qui, à divers postes, travaillent pendant une même période de temps : Équipe de nuit.
- Ensemble des joueurs associés ou du même camp pour participer à une compétition, à un match.
- Familier. Groupe de personnes unies par des activités, des intérêts communs : Une fine équipe.
- Formation de quelques soldats coopérant étroitement à l’accomplissement d’une mission.
- Le plus petit élément d’une unité d’infanterie chargé d’une mission de combat.
Le point commun de ces définitions est que tous ces ensembles se réunissent autour d’un élément commun : une tâche, un poste de travail, une période de temps, un match…
Pour construire une équipe, il faut donc un point de convergence.
Dans une équipe agile, le point de convergence est le plus souvent la vision du produit sur lequel elle travaille, l’objectif court terme ou encore l’objectif de sprint en Scrum. Dans la notion de feature teams/squads de Spotify, chaque équipe se focalise sur un périmètre fonctionnel (le lecteur, les recommandations, les playlists).
Le point de convergence a plusieurs effets :
- Donner un sens commun ;
- Créer des liens ;
- Apprendre à détecter les forces nécessaires de chacun pour une réussite collective ;
- Fédérer le groupe ;
- Focaliser, faciliter la prise de décision et donc apaiser l’équipe ;
Cette liste n’est pas exhaustive et je suis certain que celles et ceux qui ont mis en place des équipes efficaces ont trouvé d’autres vertus à la convergence.
Dans mon cas, le point de convergence de chacune des équipes est le même que celui du groupe de 40 personnes. Difficile de savoir ce qui fait de nous une équipe particulière quand toutes les équipes convergent au même endroit.
D’ailleurs, sans spécificité particulière, nous avons nommé les équipes : équipe 1, équipe 2, équipe 3… Jusqu’à 5.
Se créer une identité
Si, dans mon cas, le point de convergence ne peut pas être une fonctionnalité, un objectif particulier, un produit, une mission, un horaire, le salut se trouve dans une identité collective commune, celle de “notre” équipe.
La voie la plus logique m’a semblé être de passer d’un numéro d’équipe à un nom d’équipe; premier pas vers la construction d’une identité (n’est-ce pas finalement l’un des premiers éléments d’identification de l’être humain avec son sexe, son physique ?)
Sachant que l’entité la mieux placée pour trouver un nom à l’équipe est l’équipe elle-même, une nouvelle difficulté est apparue :
Comment permettre à l’équipe de se trouver un nom sachant que les personnes ne se connaissent pas et n’ont pas encore de mission commune ?
Initialement, je m’étais dit que nous ferions un atelier de lancement et, qu’au cours de cet atelier, l’équipe se trouverait un nom. Au travers d’un Ice Breaker, d’une animation particulière… L’idée a vite été abandonnée car l’équipe aurait peut-être trouvé un nom, mais tiré par le fait qu’on le lui demande et pas qu’elle en ait compris l’intérêt.
Ce nom aurait fini aux oubliettes et l’équipe aurait de nouveau perdu son identité.
J’ai donc attendu que la mission démarre, que l’équipe doive travailler ensemble. Mais je cherchais toujours le moyen de définir un nom qui la représente, qui fasse sens et auquel chacun(e) adhère.
Et c’est ma connaissance en Ice Breaker qui m’a permis de trouver une piste. Particulièrement les ateliers d’expression du ressenti (photolangage, cartes de force, un objet qui nous ressemble…)
Nous savons qu’il est difficile de parler de soi, de se présenter, de se représenter à des personnes que l’on ne connaît pas.
Le même problème se pose pour une équipe qui, en plus, ne se connaît pas elle-même. Nous savons par contre qu’il est plus facile de présenter un avatar, un totem, une représentation tierce qui nous ressemble, à laquelle on est attaché, qui représente des choses qui nous parlent.
J’ai donc fait un pas de côté ; plutôt que de trouver leur nom, les équipes devront se trouver un totem qui leur parle et qui leur prêterait son nom.
J’ai validé avec mon client un budget pour chaque équipe et leur ai proposé de piocher une figurine parmi le catalogue de figurines Pop!.
Je n’ai pas de part de marché dans cette marque, mais il faut reconnaître qu’au-delà de l’effet de mode, il y a plusieurs vertus à choisir une figurine de ce catalogue :
- C’est un achat qui semble inutile et donc fun (et je dis ça en gardant ma sensibilité écoresponsable, l’objet ne sera finalement pas si inutile que ça puisqu’il restera dans l’équipe)
- Le catalogue Pop! brasse tous les domaines de la culture populaire : musique, cinéma, littérature, jeu vidéo permettant à tous de s’y retrouver, à chaque membre de l’équipe de proposer quelque chose qui lui ressemble et ainsi partager ce qu’il aime puis au groupe de faire 1 choix qui convienne à tous et donc de trouver un point de convergence. Super team builder.
- L’objet est sympathique, mignon, on a envie de le montrer aux autres, on en est fier et finalement on est fier de son équipe et on la défend.
Et d’ailleurs, si vous trouvez d’autres figurines qui répondent à ces vertus, n’hésitez pas à les partager en commentaire.
Le choix des équipes
Je suis passé par les facilitateurs (animateurs d’équipes) pour organiser la sélection de l’équipe. C’était un moyen d’amorcer l’auto-organisation des équipes. Si j’avais lancé la proposition, j’aurais renforcé une position de coordinateurs opérationnelle des équipes ce que je ne suis pas. De plus ces rôles nouveaux pour les équipes ont du mal à être incarnés et c’était un moyen de leur donner une action, concrète et significative de leur apport à l’équipe.
Dans la journée qui a suivi la proposition, à certains moments, j’ai senti l’énergie monter d’un cran. Les collaborateurs balançant leurs propositions, organisant des sondages, blaguant sur les propositions des autres et défendant les leurs, partageant les raisons qui motivaient le choix de cette figurine plutôt qu’une autre, convergeant rapidement vers la proposition d’une personne…
Ce que j’ai observé n’a pas concerné qu’une seule équipe; de manières différentes chaque équipe a créé son mode de sélection, s’est engagée dans une décision collective.
Au-delà du totem lui-même, cette décision est la première qui porte sur le groupe lui-même et non sur une décision technique. Au travers de ce choix, l’équipe a fait un premier pas vers sa propre construction en tant que collectif identifiable et incarné.
Merci Gregory,
Rex très intéressant. En sachant que le démarrage d’une équipe et sa cohésion sont des facteurs déterminants dans le succès des projets
[…] Pour favoriser l’appartenance de chacun à son équipe, un atelier Identités d’équipes est ensuite utilisé afin de concrétiser la valeur apportée par chaque équipe dans une mission formalisée en deux ou trois phrases, un nom d’équipe et un totem (l’inspiration nous vient de Greg https://blog.goood.com/2019/04/24/pour-creer-une-identite-dequipe-le-totem/). […]